CHIENS DE TRAIT

 

par D Delory

Photo: banque d'images CELSIUS Prod

On ignore à quelle époque on a commencé à utiliser les chiens de travail en Europe, mais on sait que les Inuits utilisaient des chiens de traîneaux dès 1000 ans avant JC.


On sait aussi qu’au Moyen-âge français, on attelait déjà des chiens.


Chiens de trait ou chien d’attelage, deux noms pour désigner une seule fonction : tirer une charrette de deux à quatre roues.


Bien que la pratique soit proscrite à Paris dès 1824, elle reste courante dans toute la France et se développe même de façon exponentielle jusqu’à la fin du XIX -ème siècle.


La Haute Bourgeoisie a beau dénoncer la maltraitance animale, rien n’y fait et les utilisateurs de charrettes tirées par des chiens sont de plus en plus nombreux.


Dans certaines communes françaises, on recense plusieurs centaines de voitures à chien. Pourtant, il existe une réglementation stricte. Pour détenir un chien de trait, il faut une autorisation préfectorale, suivre des conseils d’hygiène, donner de la viande à son animal, se procurer un harnais adapté, et posséder une charrette légère à trois ou quatre roues de préférence.

Faute de moyens, ces consignes sont, la plupart du temps, bafouées.


Les utilisateurs, issus de la classe sociale la plus défavorisée, utilisent la charrette à deux roues (la moins chère pour eux et la pire pour le chien car il porte la charge sur son dos) et n’ont pas de quoi acheter de la viande pour leur animal vu qu'ils n'en consomment pas eux-mêmes.


Parmi les utilisateurs, on trouve des boulangers, des laitières, des paysans, des rémouleurs, des marchands de quatre saisons, des commerçants de rue.


Il n’est pas rare de croiser des mutilés ou des handicapés, installés dans une charrette tirée par un chien.

Il existe une multitude de cartes postales de cette époque qui attestent de la banalité de la situation.


La bourgeoisie n’est pas en reste pour proposer à ses bambins un petit tour en charrette, tirée par des pauvres chiens épuisés.


Certains préfets interdisent ou tentent d’en  réduire  la pratique,  mais la  fonction publique,  comme la poste et l’armée ne se gênent pas pour utiliser les chiens de trait pour la distribution du courrier ou le transport des blessés.


A l’époque, la Belgique est le pays européen qui possède le plus d’attelages canins. Il existe même une fédération pour assurer la promotion du chien de trait.


En France,  la pratique du chien d’attelage est suffisamment développée pour que des entreprises réputées fabriquent le matériel nécessaire. Les charrettes, elles,  sont construites en partie par les entreprises Peugeot.


Chaque département français possède son propre réglement et se donne bonne conscience en exposant des calculs qui le dédouane. 

Voici un extrait du journal « la vie à la campagne »: numéro de 1899 :


Le rendement du chien de trait est assez variable ; c’est une question d’énergie plutôt que de masse, l’animal tirant surtout en s’arc-boutant et en détendant ensuite ses membres. Un sujet de force moyenne peut remorquer sans fatigue, à raison de 5 km à l’heure, y compris les arrêts, et sur un parcours de 30 et même 40 kilomètres, une voiturette de 60 kilos supportant une charge utile du même poids.


Pour des attelages à deux ou trois chiens, la règle de destruction de force chez les animaux travaillant en commun agit pleinement et si un chien vous donne, attelé, un travail de 50 kg, comptez avec deux chiens, attelés ensemble, sur un travail de 98 kg, et avec trois chiens sur un travail de 120 kg.

Accordez toujours à vos chiens de trait un temps de repos de 2 à 3 minutes toutes les demi-heures ; ce repos, tout en étant suffisant pour maintenir les sujets en état de travail, est indispensable. Veillez à l’alimentation. Pour base d’appréciation, un travail moyen. Donnez à un animal de taille moyenne, travaillant plusieurs heures par jour, 450 g de viande et 1 kg de pain et des légumes.


On imagine aisément la souffrance quotidienne de ces chiens, nés pour être esclaves, souvent maltraités et malnutris.  Aujourd’hui, en Europe, les chiens de trait ont complètement disparu et c'est tant mieux.


Les mentalités ont changé et on espère ne plus jamais revoir cette forme de maltraitance, mais ce n’est pas une raison pour croire que tous nos chiens  sont  heureux et bénéficient  de bons soins et d’affection.


Le mot d'ordre est : restons vigilants.